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Nouveau quartier

Logement

Crise du logement : ce qu’il faut faire !

Frédéric AMOUDRU
Ancien cadre dirigeant du secteur bancaire.
Membre de l’institut Vivre Français.

 

La crise du logement bat son plein, et le moins que l’on puisse dire, c’est que le gouvernement fait peu pour la résoudre. Comment un pays aussi peu dense que la France (106 habitants par km2 comparé à 230 en Allemagne) peut-il connaître une telle pénurie de logements ? La raison première est ancienne et a peu évolué : la concentration de la population dans quelques métropoles où se trouvent les emplois tertiaires et où la tension immobilière est la plus forte.

Quelques chiffres : l’aire urbaine de Paris compte 12,6 millions d’habitants sur 17 174 km2, mais si l’on zoome sur la Métropole du Grand Paris, on arrive à 7 millions de résidents sur 814 km2. C’est évidemment l’éléphant dans le magasin. De façon plus générale, les 12 plus grandes aires métropolitaines françaises (Paris, Lyon, Marseille-Aix, Toulouse, Bordeaux, Lille, Nice, Nantes, Strasbourg, Rennes, Montpellier, Grenoble) regroupent un peu plus de 20 millions d’habitants, soit 30% de la population métropolitaine, sur 11 164 km2, sur les 543 000 km2 de notre territoire, soit 2% !

En effet, à l’exode rural séculaire s’est ajouté l’exode lié à la désindustrialisation. Quand on vit dans une région économiquement sinistrée par la fermeture en rafale des usines, on s’en va vers les métropoles où les opportunités d'emplois sont bien meilleures. C’est surtout vrai pour les jeunes.

L’autre raison, plus sociétale, se dénomme « décohabitation ».

 

Nina Bouaziz de la société TB Maestro explique très bien dans un article du 16 mai 2023 de quoi on parle.

"Dans une étude de 2021, l’INSEE indique qu'en 50 ans, entre 1968 et 2018, l’accroissement du parc de logements s’est accompagné d’un phénomène de décohabitation, c’est-à-dire d’une diminution du nombre de personnes par logement. Cet effet expliquerait 63 % de l’évolution du nombre de résidences principales, contre 37 % par croissance de la population.

Ce phénomène impactant peut notamment s’expliquer par une évolution des pratiques et modes de vie de la société française : des mises en couple plus tardives ou même des conjoints vivant séparément, l’augmentation de familles monoparentales ou de personnes seules suite à une séparation, la baisse du nombre de familles nombreuses, une part plus élevée d’étudiants s’éloignant du domicile familial pour des études également plus longues, etc."

Conséquence principale : à population équivalente, il faut de plus de logements pour loger les individus.

 

Comme indiqué plus haut, la croissance démographique a nécessité plus de logements puisque nous sommes passés de 50 à 67 millions entre 1968 et 2018. Cependant, l’ajout de 17 millions d’habitants en 50 ans, soit environ 340 000 de plus par an, ne peut évidemment pas expliquer cette pénurie.

La vraie raison est que l’on ne construit pas suffisamment en France et ce, depuis des décennies.

Ce n’est pas faute d’argent. Les Français ont toujours privilégié l’investissement immobilier, que ce soit pour en faire leur résidence principale ou en faire un placement générant des revenus fonciers quand ils en ont les moyens.

 

Par ailleurs, la stratégie fiscale de l’État est depuis longtemps assez favorable à l’immobilier, avec une succession de mesures incitatives telles que la Loi Méhaignerie en 1986, la création du déficit foncier en 1993, la Loi Périssol en 1996, la Loi Besson en 1999, la Loi Robien en 2003, la Loi Borloo en 2006, la Loi TEPA en 2007, la Loi Scellier en 2009 et l'amendement Bouvard, la Loi Duflot en 2014, la fameuse Loi Pinel en 2015, la Loi Cosse en 2017, la Loi Denormandie en 2019, etc.

Il faut d’ailleurs dénoncer ici une mauvaise habitude française, celle de doper ce secteur à coup d’avantages fiscaux coûteux pour les finances publiques.

Au-delà de la problématique conjoncturelle de la hausse des taux d’intérêts après une longue période de taux ultra bas, et donc très favorable à l’immobilier mais qui a aussi eu l’inconvénient de faire flamber les prix, ce sont bien les problèmes structurels que nos gouvernants ne parviennent pas à traiter.

 

Nous n’allons pas les énoncer par ordre d’importance car le poids relatif des causes est difficile à établir, mais voici les principales et les solutions.

Dans les grandes villes ayant une forte attractivité touristique ou business, Paris en tête, la location saisonnière ou de courte durée a littéralement explosé avec le développement des plates-formes telles qu’Airbnb, Booking, Abritel, etc. Résultat : la sortie de dizaines de milliers de logements du marché de la location longue durée et une raréfaction de l’offre pour les résidents qui cherchent à se loger.

Il n’y a pas à ergoter, il faut interdire la location saisonnière dans les zones en grande tension, ou tout au moins supprimer tous les avantages fiscaux dont elle bénéficie. C’est radical, mais c’est indispensable, car il n’y a tout simplement plus de place pour construire davantage dans les centres-villes, qu’il est hors de question de défigurer en bâtissant des tours à la manière de Hong Kong.

Mais il y a une contrepartie à offrir aux propriétaires loueurs. Le changement radical du traitement des situations d’impayés de loyers. Aujourd’hui, si votre locataire ne paie plus, que ce soit parce qu'il ne peut plus ou qu'il ne veut plus, vous êtes bon pour une longue et coûteuse procédure d’expulsion.

Nous devons revenir à un principe simple. La propriété privée est un fondement de notre société. On peut l’habiter ou la louer, mais en contrepartie d’un loyer. Si ce dernier n’est pas payé, c’est tout simplement du vol. Il ne s’agit pas d’envoyer les gens en prison quand ils ne paient pas, mais ils doivent partir dans les meilleurs délais et sans soumettre le propriétaire à un parcours du combattant judiciaire. Les procédures doivent être simples, rapides et exécutées. Un propriétaire qui n’est plus payé doit pouvoir récupérer son bien dans un délai maximum garanti de 6 mois.

Si l’État considère qu’une personne ne peut pas se retrouver à la rue, en particulier durant la période hivernale, et refuse de faire droit aux droits du propriétaire, il doit payer le loyer à la place du locataire défaillant et ce jusqu’à ce que l’État fasse son travail, c’est-à-dire faire respecter la loi.

Le deuxième grand problème, c’est le malthusianisme des maires dans l’attribution des permis de construire. Ils sont 35 000 à décider finalement de la stratégie de peuplement du pays en donnant ou pas leur accord. Et beaucoup n’en donnent pas, pas assez ou très lentement. Ce n’est pas, sauf exception, une question de mauvaise volonté, mais résulte d’une combinaison de facteurs. En matière de construction de logements, les Français cultivent le même paradoxe que pour les prisons : « Il en faut plus... mais pas près de chez moi ! »

Les édiles municipaux qui délivrent les permis de construire sont mal vus par les riverains qui râlent de voir se densifier leur voisinage voire soupçonnent l’existence de dessous-de-table versés par les promoteurs (ce qui a existé).

Densifier signifie également des besoins de services publics croissants, qu’il s’agisse de transport, de voirie, d’écoles, etc., donc des dépenses municipales supplémentaires qu’il faut financer par l’impôt.

 

Cette pénurie de logements générée par l’inertie des maires est compréhensible mais intolérable.

À « Vivre Français », nous avons l’esprit jacobin et nous considérons que l’État est le meilleur garant de l’intérêt général. Il faut donc lui redonner, et en particulier aux préfets, un rôle accru dans la politique de construction, donc de peuplement du pays, quitte à contredire les décisions municipales quand elles font preuve d’un malthusianisme immobilier contraire au bien commun. Il ne s’agit pas du tout de favoriser la construction de plus de zones commerciales, de plus de stades, ou d'objets publics de prestige, et certainement pas de plus de villas ou d’appartements destinés à la résidence secondaire ou à la location saisonnière.

Il faut construire davantage pour loger les Français, donc plus de permis de construire pour de la résidence principale, qui sera cependant massivement surtaxée si elle finit par ne plus être utilisée à cette fin (résidence secondaire ou location saisonnière).

C’est la seule façon de faire baisser la spéculation foncière, de baisser les prix afin que le budget logement de nos concitoyens (loyers ou traites) soit moins pesant. Le problème, c’est que la demande de logement est la plus forte là où la densité est déjà la plus forte. Or, l’intérêt de la France, c’est de mieux répartir la population à travers notre vaste pays.

Nous sommes ici au cœur de la problématique de la « démétropolisation » qui fut un des thèmes lancés par le Rassemblement National mais ne semble plus être une priorité. Or, cela doit en rester une.

 

Mais pour démétropoliser la population, il faut d’abord démétropoliser l’emploi. L’erreur du RN était de prendre le problème à l’envers. En mettant l’accent sur la question des services publics, il posait comme postulat que plus de présence de l’État dans les zones dites périphériques favoriserait l’arrivée de nouveaux habitants. Mais on ne déménage pas d’abord parce que le nouveau cadre de vie est sympa et bien doté en services publics, sauf quand on est retraité, mais parce qu’on a un job, voire deux quand on est en couple.

Une telle stratégie ne peut être mise en œuvre qu’avec une politique très déterminée de différenciation fiscale en faveur des entreprises qui sont présentes ou qui se développent dans la France non-métropolisée.

Toute la politique de l’offre menée depuis des années, qui a eu indéniablement quelques effets positifs sur l’emploi et a permis d’arrêter la désindustrialisation accélérée du pays, n’a absolument pas intégré cette dimension.

 

La baisse des charges sociales, de l’impôt sur les sociétés ou des impôts de production a tout autant concerné la grande banque parisienne basée à Paris ou à la Défense, la grande société de services informatiques de Lyon, le restaurant prestigieux du centre de Bordeaux, que la PME ou la TPE installée dans une petite ville de province, voire en zone rurale, qui souffrent de leur isolement et peinent à attirer les talents pour se développer.

Il existe des avantages fiscaux pour la création de nouvelles entreprises dans les Zones de Revitalisation Rurale (ZRR) et les Zones à Finalité Régionale (ZAFR), mais qui n’ont jamais vraiment dopé l’activité dans ces zones dévitalisées car ils ne concernent que les activités nouvelles et sont temporaires.

Ce qu’il faut, ce sont des avantages fiscaux/sociaux structurels et vraiment différenciés de longue durée pour les entreprises, les salariés et les indépendants de la France périphérique par rapport aux métropoles. C’est la seule façon de faire diminuer cette pression démographique et donc la pénurie immobilière dans une partie finalement très petite et relativement surpeuplée de notre territoire national.

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