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ÉCONOMIE

Finances publiques et modèle social : le courage ou l’impasse.

Par Frédéric Amoudru

Ancien cadre dirigeant du secteur bancaire.

Après la sanction de l'agence de notation Fitch sur la dette française Standard& Poors agence beaucoup plus importante a rassuré au moins temporairement en préservant notre AA.

« AA ouf » pourrait-on dire sans mauvais jeu de mots.

Toutefois rien ne change aux problèmes de nos finances publiques et aux difficultés croissante de notre modèle social.  

 

Nous avons connu le "quoi qu'il en coûte" mais la France est surtout le pays du quoi qu'il arrive.

Que la conjoncture soit bonne ou mauvaise quoiqu'il arrive la France enregistre des déficits publics.

Importants quand la croissance est favorable, énormes quand elle cale.

C'est rouge toujours ......pâle ou vif . 

Le problème du niveau d’endettement que nous avons atteint c'est à dire plus de 112% du PIB n'est pas tant le niveau lui-même mais la maladie française de "l'effet de cliquet".

Nous n'avons jamais pu réduire notre niveau de dettes malgré de bonnes années sur le plan économique. Même dans les prévisions du gouvernement il n’est prévu que de descendre à 108.3% en 2027, un rythme d’amélioration lamentable alors que le même gouvernement ne prévoit que du ciel bleu économique sur les 5 prochaines années. Et il se passe quoi si la croissance n’est pas au rendez-vous ?

Pourquoi cette terrible inertie ?

Parce que quand ça va mal il faut soutenir l'économie et les ménages avec un surcroît de dépenses publiques et sociales et quand ça va bien il ne faut pas "casser la croissance" par une politique budgétaire restrictive permettant de réduire la dette.

En matière de déficits pour la France c'est face tu perds et pile....tu perds aussi.

Du coup à chaque crise on se prend un bond dans notre niveau de dettes pour arriver à un nouveau plancher qui servira de base au bond suivant.

Or ces crises elles reviennent avec une fréquence et une amplitude qui est variable mais elles reviennent : 1997, 2001, 2008, 2010, 2020, 2022.

 

La posture martiale de Bruno Le Maire sur le thème de la réduction des déficits reflète sans doute une préoccupation réelle mais le moins que l'on puisse dire c'est que l'on voit mal comment il va faire, face à l'avalanche de demandes de tous les segments de la société qui crie ce leitmotiv entêtant " il manque des moyens".

On en manque pour, - prenez une grande bouffée d'oxygène –

  • la justice

  • la sécurité

  • la défense 

  • l'éducation nationale

  • la recherche

  • la transition énergétique

  • le renouvellement du parc nucléaire

  • l'accueil des migrants

  • la culture

  • la protection des femmes victimes de violences conjugales

  • la lutte contre les fraudes fiscales et sociales

  • le logement social

  • les territoires périphériques et les banlieues

  • le grand âge

  • la petite enfance

Et il en manque bien sûr. Car à partir du moment où l’on accepté comme principe que l’Etat doit s’occuper de tout, de tout le monde et tout le temps, nous avons tous des raisons de nous plaindre car il manque effectivement de moyens pour réaliser cette mission impossible.

Et oui, malheureusement il se trouve que nous ne sommes pas la Norvège petite pétromonarchie scandinave de 5.5 millions de personnes assise sur une énorme poche de gaz et de pétrole et également dotée d’un potentiel hydro-électrique fabuleux.

 

Au fil des ans depuis des décennies chaque segment de la société a réussi à faire valoir son droit à une aide ou une intervention de la puissance publique qui n’est au final jamais suffisante. Soit au niveau de l’Europe (on nous renvoie une partie l’argent qu’on a versé), de l’Etat central, des collectivités territoriales, des organismes sociaux et enfin des « assos » qui sont arrosées d’argent public.

C’est le club de Zumba de Montcuq-en-Cerdagne qui veut un peu de sous car « cela crée du lien social », les défenseurs des ruines du château de Trifouilles-en-Beauce qui ont besoin d’une subvention pour remettre debout quelques pierres d’un vestige banal qui « va attirer les touristes » , plus sérieusement c’est l’association des handicapés d’Ile-de-France qui réclame des dizaines de millions pour adapter les transports en commun, les enseignants qui veulent être revalorisés après des années de paupérisation , les médecins qui estiment à juste titre qu’ils facturent à l’heure moins qu’un plombier, les femmes battues pour lesquelles il n’y a pas assez d’appartements de refuge, les bénéficiaires des minima sociaux qui dénoncent la faiblesse du RSA, de l’APL, de la prime de rentrée scolaire, la petite ville dont la maternité accouche un bébé par jour mais qui veut la garder au prix de la sous-utilisation insensée de soignants dont on a besoin ailleurs, ……la liste est sans fin.

Et pour que tout le monde soit pris en charge d’une façon ou d’une autre il nous faut un formidable appareil administratif qui va de l’Elysée au plus petit patelin avec à tous les niveaux des couches, des sous-couches et des surcouches de structures publiques ou parapubliques qui s’empilent, s’entremêlent, se concurrencent, parfois s’annulent.

Mais quand on y regarde bien et que l’on veut voir les choses avec bienveillance, ouverture d’esprit ou vision d’avenir tout s’explique, s’argumente et se justifie au nom du bien-être, du vivre ensemble, de la justice sociale, de l’égalité des chances, des droits des minorités, de la santé, du développement des territoires, de la préservation de l’environnement, etc.

Et si certains se moquent de ce « toujours plus », il n’est que le reflet de la volonté de l’humain de vivre toujours mieux au sens le plus large.

La France, loin d’être unique en la matière, est une fourmilière de revendications légitimes, en tout cas du point de vue des demandeurs, et elles se dirigent toutes vers l’Etat au sens large.

Refuser c’est au mieux du « manque d’écoute », au pire du « mépris ».

Alors face à cet assaut permanent - et il faut bien le dire sous la pression de la compétition politique où le populisme mieux-disant fait recette - on cède, on accorde, on consent en essayant tant bien que mal de limiter les coûts.

Mais l’extension sans fin du périmètre de l’intervention publique fait valser les milliards au rythme frénétique de la chanson de Jacques Brel.

Du coup le grand navire des finances publiques grince, craque, se fissure de partout sous les coups de boutoirs d’une société qui veut plus de pouvoir d’achat, de sécurité, de justice, de soins, de soutien, de loisirs, de culture, d’infrastructures, de logement abordables, etc.

Beaucoup estiment qu’il faut répondre à toutes les attentes et que pour cela il faut mobiliser plus de ressources c’est-à-dire pour faire simple plus d’argent public et plus d’agents publics.

 

En même temps la majorité de la classe politique (gauche de la gauche mise à part) ne veut pas d'augmentation d’impôts... au contraire.

B. Le Maire veut continuer à baisser ceux qui touchent les entreprises les impôts afin de renforcer leur compétitivité et E. Macron veut baisser les prélèvements pour les classes moyennes.

Ce n'est plus le grand écart c'est l'écartèlement à 4 chevaux en mode Ravaillac.

 

Toutefois les mouvements populistes ont chacun leurs martingales pour que les Français puissent continuer à concilier l’inconciliable. Recevoir toujours plus sans contribuer davantage et sans s’endetter encore.

Taxer les riches et lutter contre la fraude fiscale pour la gauche.

Arrêter l’immigration et lutter contre la fraude sociale …des immigrés - puisque comme chacun sait les « F. de souche » eux ne fraudent pas - pour le RN et Reconquête.

 

 

La méthode Robin des Bois a déjà été tentée en Scandinavie jusque dans les années 90 puis arrêtée car générant trop d’exil fiscal et étouffant l’esprit d’entreprise. Par ailleurs les riches en France ne sont pas moins taxés qu’ailleurs dans l’UE loin s’en faut. La fin de l’ISF, il reste l’IFI, ne doit pas faire oublier qu’une petite minorité de Français paient l’essentiel de l’impôt sur le revenu, des droits de succession, de la CSG (puisqu’elle est déplafonnée), de la taxe foncière. Il n’y a que la TVA et les taxes sur l’énergie qui tapent tout le monde.

Nous adresserons dans une prochaine tribune le grand mythe de l’immense réservoir de la fraude dans lequel il suffirait de puiser pour financer tous les besoins de notre société.

La fraude fiscale des riches et des grandes entreprises existe sans doute mais c’est également la population la plus surveillée donc elle verse davantage dans l’optimisation légale que dans l’évasion délictuelle.

La fraude sociale quant à elle est loin d’être le seul fait des immigrés. Elle n’a ni couleur de peau, ni nationalité, ni religion.

Prenons d’abord conscience d’une réalité. Tous les chiffres mirobolants que l’on nous assène sont « construits » et pas « constatés » ce qui veut dire qu’ils sont basés sur des hypothèses et des extrapolations. Si on connaissait vraiment les montants en jeu on saurait où les chercher or depuis des décennies le petit jeu du chat (le fisc) - et des millions de souris (les Français) se poursuit inlassablement. La vérité c’est que la fraude fiscale ou sociale est diffuse, complexe, pas facilement décelable. Il y a les petits fraudeurs réguliers mais qui y vont mollo pour ne pas éveiller les soupçons, il y a des plus gros coups occasionnels qui grâce au délai de recours de 3 ans passent à l’as car le fisc s’en rend compte trop tard.

 

Alors que va faire le gouvernement pour tenter de réduire nos déficits ?

Comme cela a été déjà fait à de nombreuses reprises on va appliquer les vieilles recettes qui n'ont jamais marché en tout cas durablement.

Le rabotage, le grattage, le grignotage, le chipotage.

Chaque ministère est prié pour la énième fois depuis 30 ans de chercher des "économies" mais sans réduire son périmètre d'intervention ou ses missions, au contraire.

Faire autant voire un peu plus mais avec un petit moins ou avec pas plus, tout ça dans un contexte inflationniste !

La principale dépense publique est constituée des salaires des fonctionnaires. Comme on ne touchera pas à leur nombre ni pour 2024 ni pour les années qui viennent il n’y a rien de significatif à espérer.

On rétorquera à juste titre que l’on ne peut pas réduire le nombre fonctionnaires alors que nous manquons cruellement de policiers, de soignants, de juges, de greffiers, d’agent pénitenciers, d’inspecteurs du travail, de psychologues scolaires, etc...

C’est exact mais combien d’agents en trop en raison de la complexité de notre système administratif le fameux « mille-feuille » territorial qui est en fait un « tutti frutti » auquel s’ajoute une myriade d’agences publiques.

A écouter les défenseurs du statu quo personne n’est en trop car tout le monde a quelque chose à faire. Et c’est la vérité ! A force d’étendre le périmètre de l’action publique il faut bien des gens pour remplir cette accumulation de missions avec les nécessaires couches hiérarchiques pour organiser, diriger, superviser et rendre compte.

Il faut aussi avouer que la décentralisation a formidablement augmenté les coûts car entre les collectivités locales qui veulent constamment étendre leurs prérogatives au nom du « plus on est près mieux on sait » et l’Etat central qui ne veut pas perdre la main on n’arrive pas à trancher donc on doublonne.

Prenons un exemple très simple parmi des quantités. A-t-on encore besoin de plus de 230 sous – préfectures en plus des 105 préfectures alors que nous sommes en pleine ère numérique et qu’un nombre considérable de démarches administratives est réalisable en ligne ?

Autre exemple. Nous nous enorgueillissons d’avoir 160 ambassades soit le 3ème réseau diplomatique au monde. Au moins 60 des pays dans lesquels nous avons une représentation (par définition coûteuse) ne représentent strictement aucun enjeu économique ou géostratégique pour nous. Des exemples, le Salvador, le Népal, le Paraguay, la Guinée-Bissau, le Monténégro, et tant d’autres. Nos hôpitaux sont « au bout leur vie » mais on dépense des millions pour avoir notre drapeau qui flotte dans des « pays de m….. » comme dirait Donald Trump.

 

L’argument des légions de défenseurs de ces dépenses qui sont périphériques à l’intérêt réel du pays c’est que ce ne sont que des petites dépenses. « Ce n’est que x millions », « ce n’est que 0,…% du PIB ou du budget » , « la France peut se le permettre », etc.

C’est comme la contemplation de la Voie Lactée. Une infinité de points minuscules mais qui envahit une belle nuit d’Été.

 

Le problème de la France est là.

L’incapacité de l’Etat à choisir et à faire le tri entre ce qu’il doit faire pour l’intérêt général et ce qu’une myriade d’intérêts particuliers lui demande de faire.

Au-delà de la question de l’organisation administrative qui nécessite une remise à plat énergique malgré toutes les oppositions qui se lèveront, la France doit se poser la question centrale suivante. Que doit faire et bien faire l’Etat et que doit-il assumer de ne pas faire ?

C’est en répondant courageusement et rigoureusement à cette question que nous pourrons en effet faire de économies.

 

 

La liste est longue de ce que l’Etat doit faire.

Faire fonctionner au mieux le système économique afin qu’il crée emplois et richesses.

Assurer à chacun la sécurité, la justice et l‘équité.

Offrir à tous un accès de qualité à l’éducation et à la santé.

Entretenir des infrastructures (gigantesques)

Permettre la mobilité la plus efficace.

Faire respecter une quantité de lois, règles et normes qui régentent une société civilisée.

 

Mais doit-il dépenser sans compter pour la culture (en dehors de la préservation du patrimoine historique) ?

Doit-il consacrer plusieurs milliards à l’audio-visuel public ? (D’autres pays le font certes mais ils ne dépensent pas tous un pognon de dingue pour leur modèle social)

Doit-il distribuer des milliards à un nombre innombrable d’assos qui bénéficient déjà de la défiscalisation des dons ?

Doit-il multiplier les aides et les chèques (la prime à a rénovation énergétique des maisons, la prime vélo, la prime réparation des appareils électro ménagers, la prime écologique pour l’achat d’une voiture neuve ou récente, etc, etc ) ?

Doit-il prendre en charge ceux qui violent nos frontières et s’installent chez nous illégalement ou verser des minimas sociaux aux Étrangers qui n’arrivent pas à vivre convenablement de leur travail en France ?

Doit-il être un important contributeur net à l’Union Européenne alors que nos déficits commerciaux gargantuesques à l’égard de nos partenaires européens devraient déjà être considérés comme un « bel effort » de notre part ?

 

La place manque pour lister toutes ces dépenses qui toutes sont « justifiées » pour une raison ou pour une autre mais qui ne correspondent pas aux missions centrales de la puissance publique.

Ce qui est en jeu avec la dispersion infinie des moyens de l’Etat sur un périmètre de plus en plus grand c’est que du coup il fait de moins en moins bien ce qui est essentiel. On le voit tous les jours avec la détérioration de nos services publics.

 

Il n’y a pas grand-chose à attendre du régime politique actuel sur cette nécessaire remise à plat de la structure de l’Etat et de ses dépenses mais préparer l’alternative de 2027 c’est avoir le courage de dire aux Français « nous devrons faire des choix et malheureusement il y aura des perdants ».

Rester Français en France est une aspiration identitaire totalement légitime mais vivre français dans une France ruinée, non merci.

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