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ECONOMIE

Déficits et dettes, quand les ânes braient.

Le rapport de la commission Arthuis ( de son nom officiel : « Commission pour l’Avenir des Finances Publiques »), demandé par le premier ministre, est tombé.  

Inutile de commenter pendant des heures ce document très sérieux, préparé sous la présidence d’un des meilleurs experts des déficits et de la dette française, Jean Arthuis, que l’on peut qualifier d’« ancien tout » : ancien ministre, ancien président de la commission des Finances du Sénat, ancien député européen et président de la commission des budgets du parlement européen, etc.

Centriste, européiste et « macroniste » certes. Mais un vrai « sachant. »

 Les résultats de ce travail d’expert sont sans appel. Les constats sont connus mais ont le mérite d’être rappelés. 

Des décennies que nos déficits s’accumulent et que notre dépense publique est à la fois nettement plus élevée en pourcentage du PIB que l’Allemagne et la zone euro mais surtout incapable de baisser significativement quand la conjoncture est bonne comme durant la période 2011-2019.          ​​​​

Ce n’est pas tant la dépense d’Etat et des collectivités sociales qui est en cause que la dépense sociale qui nous plombe structurellement. Le tableau ci-dessous le prouve amplement. Ainsi si nous avons un écart défavorable de 10,3% dans le ratio de dépense publique sur PIB par rapport à la moyenne de l’UE à 27. Près de la moitié (4,6%) est attribuable au delta de dépense sociale. Si on rajoute une pincée de différentiel sur les subventions économiques, les dépenses de santé, de logement d’éducation et de défense, nous arrivons à 10 points.   

Rien de très nouveau, peut-on répondre, d’autant que cette moyenne à laquelle nous nous comparons est fortement influencée par les excellentes performances de l’Allemagne et de quelques autres pays. Effectivement, il en est de l’économie comme de l’école. Etre un élève médiocre dans une classe avec des cracs est inconfortable.      

Ce qui est alarmant dans cette étude, c’est moins le passé que la prévision de l’avenir.

La commission a retenu trois scénario de déficits et de ratio de dettes sur PIB jusqu’en 2030, sur la base de trois hypothèses de croissance moyenne entre 2021 et 2030.  

En matière de dépense publique, la commission envisage une poursuite de la hausse tendancielle d’environ 1% par an. 

En matière de croissance économique trois  hypothèses :

  • basse à 1% sans doute très pessimiste ;

  • moyenne à 1,35% assez conservatrice ;

  • raisonnable à 1,5% compte tenu de ce que notre pays a réalisé ces dernières années.
     

Même dans ce scénario assez favorable, notre déficit public se maintient un peu au-dessus de 4% par an et notre ratio dettes/PIB reste obstinément au-delà de 120% comme en atteste les tableaux suivants.      

La commission a donc fait un travail d’inventaire et de prévisions de qualité mais que propose-t-elle pour réduire nos déficits et notre dette ? 

Laisser croitre nos dépenses publiques plus lentement que notre PIB.

Eureka ! Mais que n’y avons-nous pas pensé plus tôt !

Voilà la conclusion à laquelle est arrivé un aréopage d’experts mandatés pour guider notre gouvernement sur l’avenir de nos finances publiques. Un étudiant en deuxième année de licence d’économie appliquée serait parvenue à la même conclusion. 

Des suggestions concrètes pour limiter la croissance de ces dépenses publiques sachant que le rabotage tous azimuts aboutit à l’érosion de la qualité et de la couverture de TOUS les services publics y compris les plus essentiels ? Aucune.

Ces « sachants » censés savoir ont toute de même tordu le cou à certaines idées tordues comme l’annulation de la dette COVID dont j’ai traité dans une tribune intitulée « L’annulation de la dette : possible mais pas vraisemblable », disponible sur notre site.   

Ils coulent bien trop poliment la proposition « ânesque » de François Bayrou, l’inepte Haut-Commissaire au Plan recyclé par Macron dans cette sinécure, et qui consiste à « cantonner » la dette Covid. 

Cantonner ? Qu’est-ce à dire ? C’est « mettre de côté ». Génial. Mais cela reste une dette tout de même, n’est-ce pas ? Oui mais comme on l’a mise dans une boite à part c’est pas pareil ! Du génie à l’état pur…

Allez, faisons grâce à cette malheureuse commission et attaquons-nous aux ânes les plus bruyants et apparemment les plus convaincants parmi lesquels figurent des économistes pourtant réputés et des politiques qui s’essaient à la crédibilité en matière économique. 

Qu’ânonnent-ils ? 

Une grande figure de l’opposition nous a expliqué il y a quelques semaines que le PIB n’était pas le bon numérateur pour mesurer le niveau de stress de l’endettement public. Il faudrait autre chose comme « les excédents budgétaires, la réduction des dépenses publiques, l’augmentation des impôts et le refinancement de la dette ». Un galimatias révélateur et … encore du génie à l’état pur…

Le PIB est le meilleur indicateur de création de richesse que nous ayons et c’est la taxation de cette richesse qui permet à l’Etat de fonctionner et de payer sa dette. Ainsi, rapporter la dette publique au PIB est éminemment cohérent.  Le seul bémol est que, naturellement, la situation varie en fonction des taux d’intérêts. Etre endettés avec des taux élevés ou des taux bas, ce n’est pas exactement la même chose. Certes, mais les taux sont volatiles. Aujourd’hui ils sont bas. Mais s’ils remontent, il faut contenir cette dette pour qu’un retournement des conditions de marché ne pénalisent pas les générations futures.

Autre argument : la dette n’est pas mauvaise en soi. Si elle est utilisée pour générer de la croissance, cela permettra de créer les conditions du remboursement de ladite dette. Et on nous cite l’éducation, la transition écologique, la recherche, etc. En théorie, peut-être mais force est de constater que la dette considérable que nous avons accumulée et qui a servi aussi à financer l’éducation nationale, une transition écologique en cours depuis plusieurs années (la prime à la casse auto date de 1995, création de l’Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie  - ADEME en 1991, etc.) et la recherche ne nous a pas permis de créer suffisamment de richesse pour empêcher la détérioration continuelle de nos finances publiques. 

Mais le braiment suprême est le suivant : la « dette COVID » ainsi que l’ensemble des dettes achetée par la BCE et ses supplétives que sont les banques centrales nationales de la zone euros ne sont pas un problème car justement elles sont détenues par nos banques centrales.   

Petite précision : la Banque de France, sur injonction de la BCE, a racheté environ 25% de la dette publique française soit environ 500 milliards d’euros qu’elle détient dans son bilan.  Ces dettes ont des échéances très variables allant de maturité courtes à très longue (30 ans).

Le non-problème reposerait sur le fait que les intérêts que verse la France sur les obligations du Trésor détenue par la Banque de France finisse par revenir à l’Etat. En effet, cette dernière est bien une banque : elle fait des bénéfices et verse chaque année des dividendes à son 

actionnaire unique, l’Etat. Plus elle détient de dette de l’Etat, plus l’Etat lui paie des intérêts, plus la BdF fait des bénéfices plus elle lui reverse de dividendes. Un cercle vertueux en quelque sorte. Comment réalise-t-elle ces bénéfices ? Elle achète la dette en émettant de la monnaie ce qui ne lui coûte rien.  

Tout cela marche très bien tant qu’elle reste dans le bilan de notre banque centrale. Et il suffit pour cela qu’elle soit « roulée » à perpétuité avec le nouveau slogan « la dette publique n’est jamais remboursée ». 

Cette ânerie nécessite une explication un peu technique. Conformément aux traités de l’UE, la banque centrale n’achète que des obligations d’Etat qui ont déjà été souscrites par le marché. Des titres d’occasion en quelques sortes, échangés sur le marché dit secondaire. Le mécanisme est le suivant : le Trésor émet la dette, elle est placée par des banques privées auprès d’investisseurs et la BdF la rachète derrière. Chacune des obligations a une échéance et doit être remboursée sinon nous sommes dans un cas de défaut de paiement. 

Donc pour que la dette soit « roulée », il faut que la BdF continue à racheter les nouvelles obligations qui viennent remplacer les anciennes. Y est-elle obligée ?  Absolument pas. Non seulement, l’Etat ne peut l’y obliger car elle est indépendante, mais elle n’est même pas « indépendamment française », puisqu’elle doit se plier aux décisions du Conseil des Gouverneurs de la BCE. 

Il suffirait donc que ledit Conseil décide de mettre fin ou même de réduire le programme de rachats de dette publique pour que chacune des échéances due à la BdF par le Trésor revienne sur le marché privé.  Avec, pour conséquence, une hausse immédiate des taux d’intérêts et une baisse des revenus pour l’Etat puisque nous entrons dans l’inverse de la logique décrite plus haut : moins de dette publique détenue par la BdF = moins de dividendes reçus par le Trésor.  

Les tenants de cette théorie justifieront leur certitude par un « pourquoi la BCE nous infligerait –elle ce mauvais coup ? ».  

Une démonstration en forme de question ce n’est jamais très rassurant vous en conviendrez.                  

En fait, il est très difficile de prévoir quelle sera la stratégie de la BCE dans les années à venir. 

Elle dépendra d’abord de l’évolution de l’inflation et moins celle des biens et services que celle des actifs (immobilier, actions, crypto-monnaies, or, etc) dont la valeur explose avec les tombereaux de liquidités lâchés par les banques centrales.  

Mais il faut aussi prendre en compte la lassitude pour ne pas dire l’exaspération croissante des pays « vertueux » (Allemagne, Pays-Bas, Autriche, Slovaquie, Slovénie, Finlande Luxembourg, Pays baltes) au capital de la BCE vis-à-vis des champions de la dette que sont les Italiens, Français, Espagnols et Portugais. Le « quantitative easing » européen et son corollaire de taux d’intérêts ultra-bas voire négatifs, érode l’épargne des citoyens de pays qui n’ont pas de problème de dette et ne comprennent plus pourquoi ils doivent payer pour ceux qu’ils perçoivent comme les « br…leurs » de la zone euro.    

Conclusion.

La dette est et a toujours été un facteur capital pour l’équilibre d’un pays. N’a-t-elle pas joué un rôle central dans l’enchainement d’évènements qui a conduit à la Révolution? N’a-t-elle pas précipité de nombreux pays dans des crises terribles comme en a connu l’autrefois très prospère Argentine, la Grèce ou le Liban aujourd’hui ? Le « vous ne pouvez pas comparer, nous sommes la France donc rien de tel ne peut nous arriver » est profondément trompeur et délétère.   

Nous ne pouvons pas, sauf à sortir de l’euro et récupérer notre souveraineté monétaire, nous en remettre à des décisions sur lesquels nous n’avons pas de contrôle effectif. La dette ou l’euro il faudra choisir. Si les Français maintiennent leur préférence pour la monnaie unique c’est donc bien dans une stratégie de désendettement progressive que nous devons nous engager. 

Pour cela il faudra effectivement que nos dépenses publiques augmentent moins vite que notre taux de croissance et surtout que cette croissance atteigne ou dépasse les 2%. Car soyons clairs 1,5% cela ne suffira pas. 

Et concrètement que faut-il faire?

Effectuer un tri dans nos dépenses. Faire ce qu’il faut pour la santé, l’éducation, la famille, la dépendance, la grande précarité, la sécurité, la défense et la justice. Pour le reste on réduit drastiquement ou on arrête. 

S’agissant des recettes, il ne faut pas augmenter les impôts sauf pour les ultra-riches. Mais il faut mener concomitamment une lutte plus déterminée contre les fraudeurs.  

Pour retrouver une croissance plus vigoureuse, il faut réduire les prélèvements qui brident la compétitivité et l’activité de nos entreprises. Mais pas sans contreparties contractuelles en terme d’emplois de la part des grandes et des moyennes.     

 

Tout cela doit naturellement se décliner en propositions précises et c’est ce à quoi nous travaillons sous la direction de Jean Messiha.

Frédéric Amoudru

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