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ECONOMIE

Le "localisme", une idéologie qui tient la route ? 

 

L’anarchie de la globalisation et du mondialisme a provoqué des réactions de rejet dans une partie de la population du monde occidental frappée ou choquée par la brutalité sociale et écologique orchestré par les « anywhere » à l’égard des « somewhere ». Normal !

     Altermondialistes, « Nuit debout » en France, « Les indignés » en Espagne, « Occupy Wall Street » aux USA, plus récemment « Gilets Jaunes » chez nous ou « Yellow Vests » et bien d’autres, ont plus ou moins violemment exprimé leur opposition contre le modèle économique que les élites mondialisées avaient bâtie derrière et sur leur dos.

A la lisière de cette protestation s’est créé un mouvement plus soft aux confins de l’écologie, du protectionnisme, du « démondialisme » et du régionalisme : le localisme.

Examinons ses différentes caractéristiques.

     Une économie de proximité favorisant une répartition plus directe des richesses produites qui se reposerait sur la participation de tous, à un système de production plus localisé, « plus proche des gens ».

Il encourage les circuits courts ce qui réduit les intermédiaires.

Il vise à la préservation de notre environnement en réduisant le plus fortement possible l'empreinte carbone des échanges de biens.

     Il promeut l'autonomie énergétique avec une stratégie d'économies d'énergie (développement de l'habitat passif, rationalisation de l'éclairage public...) et de promotion des énergies renouvelables (panneaux solaires, éolien individuel...)

Dans sa version plus politique, il demande une bien plus grande décentralisation de la décision et de l’action publique au niveau où le citoyen a le plus de levier, la commune étant la structure opérationnelle la plus petite connue.

     Tout cela parait intéressant. Mais on arrive immanquablement à une problématique conceptuelle. Où commence et où s’arrête géo-économiquement le « local » par rapport au « global » ?

Peut-on imaginer que la production des biens que nous consommons, et ils sont extrêmement nombreux, se repartisse au niveau départemental ou même régional ?

Ainsi les usines automobiles et aéronautiques, les cimenteries, les matériaux de construction, la pharmacie, la chimie, la pétrochimie, les fabriques de meubles, les verreries, les papeteries, sans compter les innombrables produits où il n’y a même pas, même plus ou presque plus d’unités de production en France (textiles, électroménager, téléphonie, etc.) devraient se « rapprocher des gens » !

Mais à quel niveau géographique ?

     Les réponses sont floues et tournent autour du : « ça dépend ! ». Chacun a sa définition ou sa lubie, avec tout de même un plus petit commun dénominateur : la nourriture donc la production agricole et sa transformation.

Il faudrait ainsi consommer ce que l’on cultive et ce que l’on converti au plus près de nous.

Faisable ? Ne serait-ce qu’au niveau national, nous avons des différences climatiques, géologiques (les sols), topologiques (plaines –montagnes), démographiques (zones de fort et de faible peuplement) très significatives. Alors bienvenue au blé corse et à la mandarine ardennaise, à la betterave de l’Hérault et au raisin du Pas-de-Calais, au lait du Var et aux abricots de Normandie, au Camembert de Bordeaux et aux vins de Limoges, etc. ?

     Par ailleurs, quel est l’empreinte carbone du Parisien qui va faire 30 kilomètres pour aller acheter à la ferme quelques produits, comparée à celle du camion qui vient déverser en une seule livraison des centaines de kilos de produits à un point de vente vers lequel des dizaines de Parisiens pourront aller faire leurs courses à pieds ?

Il même été démontré que les trajets automobiles induits par les « circuits courts » n’étaient pas forcément gagnants du point de vue carbone. En effet, trouve-t-on chez le producteur de légumes, les laitages, la viande, les produits d’hygiène corporels et domestiques, les boissons et bien d’autres produits dont on a besoin ? Bien sûr que non. La concentration de l’éventail le plus large possible de produits en un lieu permet de tout y acheter ou presque et de limiter ainsi une multitude de trajets automobiles des particuliers. C’est du simple bon sens.

Faut-il pour autant décourager ces initiatives qui promeuvent le local et le proche par rapport au global et au distant ? Naturellement non. Cet élan vers la proximité est sain et il doit se nourrir de nos désirs individuels et collectifs. Mais il est hors de

question de l’imposer ou d’en « artificialiser » la logique économique par des aides financées par des fonds publics dont nous avons cruellement besoin pour que nos services publics fonctionnent mieux.

     

Il existe un autre piège : celui d’égaliser « localisme » et réindustrialisation.

Lorsque nous regardons la situation florissante de nos voisins et rivaux allemands, nous nous émerveillons de la taille et de la solidité de leur appareil industriel. Pourtant à y regarder de près la RFA a connu exactement le même phénomène que nous de délocalisation des activités à faible valeur ajoutée vers les pays à bas coûts.

Il n’y a pas plus de T-shirts, de jeans, de mobiles, de PC, de TV, de machines à laver etc., fabriqués en Allemagne qu’il n’y en a en France. Eux aussi se procurent à l’étranger, soit en Europe de l’Est soit en Extrême Orient, ce qui est produit moins chers là-bas plutôt que chez eux !

     Le secret de nos voisins c’est d’avoir construit des filières industrielles d’excellence où l’innovation et la qualité allemande font vendre et assez cher. Il en est de même pour le Nord de l’Italie qui est une ruche industrielle mais là encore dans des secteurs bien définis comme le cuir, les tissus, les chaussures, les vêtements de sport, l’orfèvrerie et les lunettes. Mais attention le haut de gamme.

     L’Italien du Nord des classes populaires ou moyenne achète autant de produits importés que nous mais les industries de sa région, très compétitives, exportent massivement.

Alors les localistes français qui rêvent d’une importante relocalisation des industries qui sont parties loin chercher des coûts et une flexibilité de main d’œuvre que nous avons perdu en seront pour leur frais. La vérité c’est que l’immense majorité des Français ne paieront pas 40, 50 ou 100% plus chers des quantités de produits qui font partie de leur quotidien parce qu’ils sont « made in France » ou « made in Lot-et- Garonne ».

     L’enjeu de la réindustrialisation de la France n’est pas de faire revenir l’entrée de gamme des produits de faible valeur et fabriqués « près de chez nous » car cela ne marchera tout simplement pas. C’est tout ce moyen et moyen-haut de gamme que nous avons perdu qui doit être récupéré et relocalisé en France. Cela concerne les automobiles par exemple. Pourquoi une Clio dont le premier prix est à plus de 12.000 euros n’est plus fabriquée en France, de même pour la Peugeot 208 à minimum 16.000 euros ? On peut comprendre que les réfrigérateurs, les machines à laver à 300 ou 400 euros ne sont plus fabricables en France faute de marge mais il y a toute la gamme qui bourrée de technologie se vend à plus de 800 euros ! Les exemples de ce type abondent. Nous ne sommes pas ici dans le T-Shirt à 10 euros ou le jean à 30 euros.

     Mais ce n’est certainement pas en demandant aux industriels, prêts à jouer le jeu, d’émietter leurs implantations pour que chaque territoire français puisse dire « j’ai mon usine auto », « j’ai mon usine pharmaceutique », « j’ai ma cimenterie », « j’ai mon usine de frigo » etc. que l’on va y arriver. La relocalisation d’usines, pour de nombreux produits nécessitant une masse critique compétitive, passera par un ou deux sites national(aux) implanté(s) quelque part dans notre pays et cela serait déjà un succès. C’est la multiplication de ces (re)localisations et un Etat stratège qui oriente sans imposer, qui guide sans forcer la main afin de repartir harmonieusement les (ré)implantations à travers la France qui permettront à nos territoires de se relever.

Il existe des filières où nous avons une expertise reconnue ou un avantage naturel que nous pouvons reconstruire patiemment avec un mélange de volonté politique et de restauration de la compétitivité française tel que le prône Jean Messiha. Nous y reviendrons dans les semaines qui viennent

     Que répondre à l’argument localiste de réduction de l’empreinte carbone par la production et la consommation de proximité ? Nous avons vu qu’il est largement illusoire sur le plan économique mais la problématique posée reste légitime. La réponse est technologique. C’est la « décarbonation » des échanges par les innovations en cours qui nous permettront de limiter le changement climatique, pas le malthusianisme économique et les restrictions au commerce générateurs de décroissance et de pauvreté pour tous. Depuis l’aube de l’humanité on échange « ce que je peux ou sais faire mieux que toi contre ce que tu peux et sais faire mieux que moi. ». Cela ne changera pas mais il faut que nous réduisons drastiquement la pollution générale générée par cette loi humaine.

Frédéric Amoudru

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