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Géopolitique

Ukraine : fixer les conditions de la paix.

Frédéric Amoudru
Etudes et Stratégie - "Vivre Français"

Il n'y a pas de "victoire" possible de l'Ukraine, c'est à dire la reconquête des territoires
illégalement pris par la Russie, sans intervention directe des armées de l'OTAN.


Le rapport des forces est maintenant clairement établi.


L'Ukraine et la Russie ce n'est pas Israël face aux pays arabes en1967 ou en 1973.


Après une offensive partiellement ratée en février 2022 et une retraite partielle face à une contre
offensive opportuniste et chanceuse de Kiev, la Russie s'est regroupée et réorganisée pour une
guerre que Poutine a déclaré existentielle.


Le géant eurasiatique déploie maintenant sa surpuissance contre une Ukraine 3 fois moins
peuplée et dont la jeunesse ne se presse plus pour aller sur un front saturé de bombes russes.


Seule à combattre Kiev, ne peut pas gagner et comme il n'est pas question que nous envoyons
nos soldats mourir la bas, la cause est entendue.


A ceux qui nous répondent que les Américains et les Britanniques sont bien venus mourir pour
nous la réponse est simple.


Les liens qui nous unissaient aux États-Unis étaient profonds et dataient de la guerre
d'indépendance américaine.


Quant au Royaume- Uni, son immense courage à nos côtés n'avait d'égal que son refus absolu
d'une hégémonie allemande puis nazie sur l'Europe.


Nous n'avons aucun lien de cette nature avec l'Ukraine dont, pour tout dire, l'immense majorité
des Français était incapable d'en donner le nom de la capitale avant 2014.


Contrairement à la rethorique répandue par le camp pro-ukrainien, la Russie ne menace aucun
pays de l'OTAN car elle en connaît le prix fatal


Son conflit avec l'Ukraine est extrêmement spécifique. Il renvoie à l' histoire tragique d'un
empire russe et d'une fédération soviétique marqués par de violentes convulsions idéologiques,
identitaires et économiques.

Pour autant l'Ukraine est une grande nation européenne et chrétienne qui a subi une agression
intolérable et face à laquelle nous devons combiner fermeté et réalisme.


Ceux qui affirment que la solution diplomatique est la seule issue raisonnable mais que c'est
l'Ukraine qui doit définir les termes de son acceptabilité nous entraînent dans une guerre sans
fin.


Ceux qui prônent une paix qui récompense l'agression russe en lui concédant tous les territoires
conquis démontrent une lâcheté indigne.


Toutefois reconnaissons que cette guerre ne se prolonge que grâce à la mobilisation coûteuse du
monde occidental pour une cause où ses intérêts vitaux ne sont pas en jeu. C'est donc à lui de
fixer les termes d'une paix imparfaite pour Kiev mais suffisamment équilibrée pour espérer
obtenir en bout de course un accord russe.


La France puissance diplomatique de premier ordre doit prendre l'initiative en la matière en
établissant clairement et précisément les termes de cette paix dont voici les grandes lignes.


Revenons à l'origine de ce conflit.


Il a deux grandes causes.


L'impossibilité pour Moscou d'accepter ne serait ce que la perspective de l'adhésion de son
voisin à l'OTAN.


La question du Donbass non résolue malgré les deux accords de Minsk.


Il est profondément inutile de jouer au petit jeu du "c'est la faute à...." car la vérité dans cette
affaire est d'une immense complexité.


Tous les arguments avancés par l'une et l'autre partie contiennent une part de vérité.


Mais les faits sont là. À l'aube du 24 février 2022 Kiev était loin de rejoindre l'Alliance
Atlantique car si l'axe Washington-Londres- Varsovie y était favorable mais Paris, Berlin,
Budapest ne voulaient pas en entendre parler or il se trouve qu'il faut l'unanimité des 31
(maintenant 33) États membres pour en faire entrer un nouveau. Cependant la demande
d'adhésion de l'Ukraine facilitée par le changement de sa constitution et la coopération militaire
croissante avec l'Ouest constituaient déjà un casus belli pour son ombrageux voisin.


La mise à l'écart pure et simple de cette éventualité fait donc partie des prérequis d'une paix
durable.

Cela implique toutefois la mise en place d'un nouvel accord de sécurité collective pour l'Europe
incluant les deux nations aujourd'hui belligérantes.


Gardons nous de mélanger cette question avec celle de l'adhésion à l'UE dont Poutine a déjà
indiqué qu'elle ne lui posait pas de problème. Elle nous en pose à nous !


Vient ensuite la question territoriale.


Poutine a commis une erreur en annexant officiellement les 4 oblats que son armée a
partiellement conquis car cela complique terriblement du point de vue constitutionnel russe la
seule résolution envisageable du conflit c'est à dire les concessions mutuelles.


Elles sont les suivantes.


La Russie obtient le Donbass donc les oblasts de Donetsk et Luhansk dans leur entièreté (dont la
très symbolique ville de Marioupol qui étaient couverts par les accords de Minsk et dont la
population ne veut plus entendre parler de Kiev.


Mais Moscou doit rendre ceux de Kherson et Zaporizhzhia qui à la différence des deux autres
n'avaient jamais manifesté l'intention de se séparer de l'Ukraine.


Cette dernière récupère ainsi son accès à la mer d'Azov et une de ses principales centrale
nucléaire aujourd'hui occupée.


L'annexion de ces deux oblats n'était d'ailleurs pas justifiée par la "nécessité" de sauvegarder
une population russophone et russophile prétendument menacée par l' "ultra nationalisme
ukrainien" mais par la volonté du maître du Kremlin de créer un corridor terrestre avec la
Crimée.

Transition toute trouvée pour régler cette question une bonne fois pour toute.


La Crimee est et restera russe. On peut arguer qu'elle ne l'était pas avant la Grande Catherine
mais elle n'était pas davantage ukrainienne.


Cette question ressemble à celle de Jérusalem. Jamais, même dans l'hypothèse d'une solution à
deux États, l'Etat hébreu ne rendra sa partie Est conquise en 1967 afin de reconstituer l'unité de
la ville sainte devenue capitale éternelle d'Israël.


Essayer de bâtir la paix sur des lignes rouges, ou pourpres en l'occurrence, est absurde.

La reconnaissance définitive et de jure de cette réalité permettra de créer un espace de libre
circulation des personnes et des biens entre le Donbass et la Crimee, un impératif pour les
Russes qui ne veulent pas dépendre du seul pont de Kertch pour alimenter la péninsule.


Écartons d'emblée la possibilité de référendums dans les différents territoires concernés pour
valider l'officialisation de ce partage car il n'y aura jamais accord entre les parties sur les
conditions de leur exercice et sur les résultats. C'est d'ailleurs en partie sur le modus operandi
des élections pour la mise en place des autorités autonomes dans le Donbass que ce sont
fracassés les accords de Minsk. Inutile de recommencer.


Le retour des déplacés ukrainiens dans leur foyers et le maintien des habitants pro-russes dans
les territoires rendus à l'Ukraine où tout le monde devra réapprendre à vivre ensemble en
sécurité et sans représailles doivent également faire partie de cette solution globale.


Une amnistie générale couvrant le conflit depuis ses origines doit être conclue.Personne
n'acceptera de déposer les armes autrement.


Vient enfin la question des sanctions et de la reconstruction.


La Russie doit voir dans un accord de paix un avantage tangible donc la fin de toutes les
sanctions économiques, financières, diplomatiques, culturelles et sportives.


Toutefois cette question ne peut être déconnectée du coût de la reconstruction de l'Ukraine, qui
se chiffre en centaines de milliards de Dollars et dont il est hors de question que l'Europe
(France inclue) en supporte l'essentiel du poids.


Selon le principe du casseur-payeur la Russie doit y participer. Le gel d'environ 300 milliards de
Dollars d'avoirs russes publics et privés nous donnent un excellent outil de négociation.
Pour des raisons juridiques et par crainte d'une importante perte de confiance dans le système
financier occidental la saisie pure et simple de ces actifs pour renflouer l'Ukraine est considérée
hasardeuse.


Par contre si Moscou consent à "contribuer volontairement et significativement" (disons 50% des
sommes gelées) à cet effort, elle récupère l'autre moitié d'un pactole aujourd'hui inaccessible.


La France assumant son rôle de nation clé du monde occidental doit mettre les belligérants
devant leurs responsabilités.


Si l'Ukraine rejette ce plan de paix nous jetons l'éponge et nous serons suivis par d'autres.


Si la Russie le refuse c'est elle qui prend la responsabilité d'un conflit durable et terriblement
pénalisant. Car il ne faut pas s'y tromper entre les sanctions que nous maintiendrions, les pertes en hommes qu'occasionneraient les livraisons d'armes que nous poursuivrions et l'efficacité
croissante des frappes de drones ukrainiens dans la profondeur russe la facture sera de plus en
plus lourde pour Poutine et son peuple.

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